Motion en hommage à notre collègue Samuel Paty
Notre collègue Samuel Paty a été assassiné dans des conditions effroyables, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions de professeur d’histoire-géographie. L’ensemble de la communauté éducative est sous le choc, sidérée et outrée. Nous attendions de la part de notre institution une réponse à la hauteur de la gravité de la situation : nous voulions du temps pour nous retrouver, échanger entre collègues et ainsi pouvoir préparer un hommage convenable face aux élèves.
Dans un contexte de crise sanitaire, nous sommes confrontées à des difficultés inédites et exacerbées au sein de l’Ecole, et pourtant, nous n’avons pas reçu les moyens nécessaires pour accompagner convenablement nos élèves. Nous ne sommes pas entendus, pire même, nous sommes conspués car nous mettons en avant notre rôle d’expert pour dire l’état de notre Ecole.
Vous qui convoquez Jaurès, nous le convoquons à notre tour pour affirmer notre voix et notre place au sein de l’Ecole « les enseignants ont, comme tous les citoyens, le droit de conseil. Ils ont le droit de dire, autour d’eux, avec l’autorité que leur donne leur fonction consciencieusement remplie, ce que leur conscience et leur raison leur suggèrent ».
Cet attentat nous ébranle tant il remet en cause la société que nous tentons, patiemment, de construire dans nos salles. Il nous questionne sur notre rôle et sur les éventuels risques que nous courrons à y parvenir. Il nous inquiète car il nous enferme toujours plus dans le double piège des terroristes : nous faire peur et se servir de cette peur pour créer la haine.
Notre École est le ciment du vivre ensemble, lieu où se rencontre l’altérité, des projets de société différents mais complémentaires, portés par des citoyens en devenir. Nous tentons d’y faire vivre une République une et indivisible, une République qui ne stigmatise pas, qui n’homogénéise pas à coup de tenue républicaine, qui ne réifie pas les femmes, qui ne fait pas de procès d’intention.
Notre école républicaine ne stigmatise pas en brandissant l’étendard d’une laïcité dévoyée, elle applique le principe même de la laïcité, en le rendant vivant et en le faisant comprendre, elle se veut neutre mais inclusive, elle fait société à un moment où les services publics sont exsangues. Cependant, pour que notre École fonctionne, notre République doit tenir son rôle de ciment, de catalyseur des valeurs qu’elle martèle, les faire vivre et nous donner les moyens de les enseigner. L’urgence est sociale et sanitaire, le séparatisme qui gangrène le pays est financier et social, ne cédons pas au soupçon, la République n’a pas été chassée de nos territoires, elle s’est retirée. Elle est nos services publics, notre École comme projet de société. Ne tolérons pas « l’ensauvagement » » des discours, ciment de la haine collective et de dérives en tous genre
Nous tenons, au sein de cette instance qui nous est chère, rendre un hommage appuyé à notre collègue, décédé, décapité, parce que professeur, parce que porteur de l’esprit critique et du rôle du débat dans notre société. Nous ne saurons trouver les mots pour dire notre peine et nos inquiétudes. Nous espérons que nous pourrons bâtir, à notre petite échelle, les bases d’une société qui transcende la haine pour atteindre la paix. Sachez que nos plaintes, nos cris du cœur, nos combats et nos luttes n’ont jamais que cette objectif là, mettre l’Éducation Nationale à la hauteur de incommensurable défi qu’elle s’est donnée. Que ces instants d’un triste lundi après-midi d’octobre dans la ville de Montfermeil(rassemblement d’hommage) ou d’un mardi matin de novembre en soient les pierres angulaires.
Les personnels du collège Pablo Picasso soutenus par leur section SNES-FSU.
Motion sur le mépris institutionnel (rentrée du 2 novembre 2020)
Les personnels enseignants du collège Pablo Picasso souhaitent faire part de leur indignation quant aux déroulements des événements des derniers jours.
Nous ne supportons plus d’apprendre dans les médias les décisions de notre ministère. Depuis quand un employeur donne-t-il ses instructions et ses contre-instructions au public sans même un message à ses personnels ? La situation durant les vacances d’octobre a été désastreuse. Nous n’avons reçu le protocole sanitaire que le vendredi 30 octobre pour une reprise le lundi 2 novembre. Le ministre revient sur les deux heures prévues pour préparer l’hommage à notre collègue, mort décapité dans l’exercice de ses fonctions, à 18 h le vendredi soir avant la reprise, nous laissant seulement le week end des vacances, comprenant un jour férié, avant d’être devant les élèves. Les documents pédagogiques pour nous aider ne sont sortis que le samedi en fin de journée, modifiés le jour-même, trente minutes avant l’heure imposée de l’hommage.
Nous avons tout fait pour que cette rentrée soit sereine.
L’Éducation Nationale fait face à deux calamités : la division de la société désirée par des terroristes et une crise sanitaire d’ampleur. Dans les deux cas, en cette reprise, elle ne s’est donnée que les moyens de l’échec.
Dès les annonces tardives du ministère, qui empêchaient de faire de l’hommage à Samuel PATY un moment où l’on déconstruisait les divisions, où l’on rendait l’altérité possible, où nous faisions société ; qui empêchaient de ne pas mettre en danger et en péril la vie de centaines de milliers d’adultes et de millions d’enfants, nous avons tout fait pour que les choses se passent au mieux. Toute la fin de semaine, peu importe les vacances, peu importe les jours fériés, nous avons travaillé, échangé, tout tenté pour que rentrée sereine soit possible.
Nous avons demandé deux heures, deux pauvres heures que notre ministre nous avait annoncées dans les médias, deux misérables heures face à la hauteur de la tragédie, pour nous préparer à accueillir les élèves et à donner du sens à ce moment. Elles nous ont été refusées.
Nous avons demandé la banalisation d’une après-midi, non pas pour ne rien faire, mais pour travailler à voir comment limiter les risques de contamination au sein de l’établissement. Cela nous a été refusé.
L’an passé, nous avons de nombreuses fois demandé une rencontre avec les responsables de l’Éducation Nationale, nous n’avons même pas obtenu de réponse.
A chaque fois, nous avons tout fait pour que les choses aillent mieux, pour que nos missions réussissent. A chaque fois, vous avez claqué la porte et agi avec autoritarisme.
Ce lundi 2 novembre, ce sont les professeur.e.s du collège eux-mêmes qui ont du prendre leurs responsabilités, et bien plus encore. 91 % des professeur.e.s travaillant ce jour, auxquels se sont ajouté de nombreux personnels, dont certains en repos, ont ainsi pris sur eux l’honneur de l’Éducation Nationale. L’hommage rendu le lendemain à Samuel PATY fut de grande qualité, avec des personnels formés (entre eux car l’institution ne nous pas aidé.e.s), préparés, mobilisés et sensibilisés aux enjeux grâce à de nombreuses heures de travail sur le temps de grève. Les conditions sanitaires restent inadmissibles par les décisions ministérielles et rectorales, mais nous avons travaillé, pendant des heures également, toujours sur notre temps de grève, à améliorer un peu les choses.
L’institution scolaire ne mérite pas de tels engagements des personnels du collège Pablo Picasso. Nous les menons, au détriment de nos conditions de vie personnelle, dans le but de donner du sens à nos métiers. Nous ne méritons certainement pas un retrait pour salaire pour la journée de lundi, nous méritons une prime.
Les personnels du collège Pablo Picasso, soutenue par la section syndicale locale SNES-FSU
Motion sur la crise sanitaire
Les personnels du collège Pablo Picasso ainsi que les représentantes des parents d’élèves témoignent de leurs vives inquiétudes et même de leur franche angoisse quant aux conditions de reprise au sein dans notre établissement scolaire en pleine épidémie.
Alors que notre département (Seine Saint Denis) compte en moyenne 1 198 cas quotidiens (et que même le gouvernement dit qu’il faut multiplier par deux ce chiffre), alors que le taux d’incidence du virus est de 394 cas pour 100 000 habitant.e.s chez les 10-19 ans (auquel devrait se rajouter des centaines de cas asymptomatiques non diagnostiqués), nous devrions reprendre sans aucun aménagement, si ce n’est des mesurettes et encore, seulement pour le 9 novembre.
La crise est maintenant. Où sont les moyens permettant de l’affronter ? Où sont les recrutements d’agents d’entretiens, de personnels enseignants et éducatifs, permettant d’y faire face ? Où sont les lits de réanimation pour soigner nos malades ?
Vous nous imposez, sans même prévoir une seconde pour réfléchir à sa mise en place, tout un tas de préconisations toutes aussi floues que peu convaincantes. La solution est simple, il est nécessaire de dédoubler les classes. Cela ne convient peut être pas à la vision de l’Éducation Nationale comme d’une simple garderie, mais c’est le seul moyen d’appliquer véritablement le non brassage des élèves tout en gardant un lien en présence avec eux.
Ne vous y trompez pas, nous ne voulons pas fermer, nous ne voulons pas revivre la calamité des cours en distanciel de l’an passé. Ce que nous exigeons, c’est d’avoir les moyens de véritablement mettre en place des mesures sanitaires à la hauteur de la crise, comme l’on fait des tas d’autres pays pourtant bien moins riche que le nôtre.
Comment pouvons nous affronter cette crise alors nous manquons déjà perpétuellement d’agents d’entretiens ? Comment le faire avec une médecine scolaire au aboie et de nombreux postes d’infirmier.e.s scolaires non pourvues ?
Nous exigeons des embauches massives pour combler aux carences évidentes, nous exigeons la mise en place de demi groupes afin de respecter les distances sanitaires nécessaires. Ce n’est qu’à ce prix que l’Éducation Nationale pourra justifier d’être sanitairement à la hauteur de la crise.
En attendant, vous porterez la responsabilité pleine et entière de la mort des personnes contaminées au covid à l’intérieur des grilles d’un établissement scolaire.
Les personnels et les représentantes des parents d’élève du collège Pablo Picasso soutenus par leur section SNES-FSU et la FCPE Picasso.