Quelques jours après la mort de Kewi, 15 ans, lycéen scolarisé à Aubervilliers et collégien au Pré-Saint-Gervais, au cours d’une rixe, l’émotion et le sentiment de révolte des enseignant.e.s, des élèves et de leurs parents ne sont pas retombés. Impossible de tourner la page et de reprendre le chemin de l’école sans chercher à agir ; il y a un an, quasiment jour pour jour, Aboubakar, un adolescent originaire de Bagnolet et scolarisé au Pré-Saint-Gervais, perdait lui aussi la vie. Un an plus tard, rien n’a changé.
Nous l’affirmons avec gravité : les pouvoirs publics n’ont pas pris la mesure de ces drames. En mai 2018, un rapport parlementaire concluait à des « défaillances » de l’État en Seine-Saint-Denis dans ses missions régaliennes (éducation, santé, police, justice) et faisait état d’une République « en échec ». À ce jour, aucune leçon n’en a été tirée.
Chaque jour, en Seine-Saint-Denis, nous continuons de mesurer l’échec des pouvoirs publics. Aucune mesure pérenne n’a été proposée pour protéger les abords des collèges et des lycées, à l’exception des habituelles solutions de facilité dont le seul horizon est sécuritaire, qui tend vers la bunkérisationdes établissements : des clôtures toujours plus hautes, toujours plus de caméras de surveillance. En revanche, aucune réflexion d’ampleur n’a été initiée quant aux moyens humains dans les établissements (CPE, assistant.e.s d’éducation, assistant.e.s pour la prévention et la sécurité, médiateur.rice.s) et plus généralement dans les quartiers populaires où l’école est bien souvent le dernier service public qui subsiste.
Pour toutes ces raisons, les enseignant.e.s du collège Marie Curie et du lycée Paul Robert ont fait valoir leur droit de retrait depuis lundi. Des mesures urgentes et concrètes doivent être prises pour permettre aux élèves et aux enseignant.e.s de travailler dans des conditions sereines. Des moyens horaires et humains doivent être octroyés pour permettre aux personnels de l’éducation de remplir leur mission de service public. Les 350 personnes rassemblées hier dans la salle des mariages de la Mairie des Lilas ne réclament pas autre chose.
Une audience aura lieu au Rectorat ce vendredi 11 octobre à 17h30. Elle sera commune aux personnels et parents des trois villes des Lilas, du Pré-Saint-Gervais et de Romainville. Un rassemblement des personnels et parents soutiendra cette délégation dans l’espoir d’être davantage entendu.e.s par l’Éducation nationale après le CLSPD qui a eu lieu aujourd’hui.
Il est du devoir des personnels d’enseignement et d’éducation de poursuivre la mobilisation aux côtés des élèves et de leurs parents pour que de telles tragédies ne se reproduisent plus. Il est de notre devoir de défendre les services publics en Seine-Saint-Denis quand, à l’heure actuelle, un.e élève de l’éducation prioritaire perd environ un an sur toute sa scolarité pour cause de non-remplacement d’enseignant.e.s ou quand il s’écoule en moyenne 18 mois, pour un enfant devant bénéficier d’une mesure d’assistance éducative, entre le rendu de la décision du juge pour mineur.e.s et l’entrée en vigueur de la mesure.
L’heure n’est plus au mégotage. Nous exigeons un plan de développement pour l’éducation en Seine-Saint-Denis et des moyens enfin à la hauteur des enjeux pour les services publics. Il en va de l’avenir de la jeunesse de ce département, il en va de l’intérêt commun.