A Saint-Denis, le lundi 11 mars 2018,
L’ensemble des enseignant.e.s (titulaires et contractuel.le.s) du collège La Courtille ont décidé ce jour, lundi 11 mars, d’exercer leur droit de retrait, suite à l’agression violente d’un collègue survenue le vendredi 22 février, précédant les vacances, devant l’établissement.
En dépit de cet événement dramatique, notre chef d’établissement nous a informé que notre droit de retrait serait refusé par la DSDEN, au motif que l’implication du commissariat dans l’enquête suite à l’agression, et que la présence d’équipes mobiles de sécurité, pourraient assurer la sécurité des personnels et des élèves de l’établissement.
Nous n’acceptons pas cette décision, car :
– la présence des équipes mobiles de sécurité, de par leur mobilité, ne peut assurer quotidiennement et sur le long terme la sécurité des abords de l’établissement ;
– seulement deux des quatre agresseurs ont été interpellés à ce jour ;
– les demandes insistantes de sécurisation des abords de l’établissement (opacification des abords de l’établissement, déplacement de la loge) n’ont jamais été satisfaites malgré les promesses du proviseur de Vie Scolaire en juin 2017.
Nous n’acceptons toujours pas cette décision du fait de la multiplication d’actes d’une extrême violence dans l’établissement et dans le quartier :
– la mort d’un ancien élève suite à une fusillade aux abords de l’établissement ;
– la mort d’un individu devant l’entrée professeur du collège ;
– une élève a été lynchée par un groupe d’élèves au milieu de la cour, conduisant l’élève à changer d’établissement pour assurer sa propre sécurité ;
– deux élèves ont été tabassés et volés aux abords de l’établissement par des élèves du collège et du quartier, les conduisant à changer d’établissement et à un suivi médical et psychologique pour assurer leur propre sécurité ;
– une élève a été sexuellement agressée et menacée au sortir de l’établissement par des élèves ; en dépit de conseils de discipline, elle continue sa scolarité avec ses agresseurs ;
– des armes sont régulièrement introduites dans le collège : couteaux (à plusieurs reprises), taser, bombes au poivre, matraque télescopique ;
– plusieurs voitures ont été incendiées et vandalisées à l’entrée professeur de l’établissement ;
– des feux de poubelles ont été déclenchés devant l’établissement durant plusieurs jours ;
– des enseignant.e.s et élèves de l’établissement voisin ont été agressés par nos propres élèves lors de cours d’E.P.S avec des barres de fer ;
– des parents d’élèves ont réussi à s’introduire dans l’établissement afin de menacer des enseignant.e.s ;
– la supérette à côté de l’établissement s’est faite braquée armes au poing et les propriétaires tabassés il y a trois jours ;
– de multiples actes violents physiques et verbaux, qui sont quotidiens et tendent à se normaliser face à l’inaction de l’institution.
Enfin, nous n’acceptons toujours pas cette décision que nous interprétons comme la démonstration d’un mépris et d’un désintérêt de l’institution face à notre situation. Nous sommes désemparé.e.s et inquiet.e.s de constater qu’en dépit de l’aggravation d’une situation déjà dangereuse, les promesses ne sont pas tenues et nos peurs ne sont pas perçues comme légitimes. Nous avions, vendredi 22 février, jour de l’agression, réclamé la présence de représentants de la Direction des Services Académiques de Seine-Saint-Denis et du Conseil Départemental de Seine-Saint-Denis ce lundi 11 mars. En outre, le proviseur de Vie Scolaire présent l’après-midi de l’agression, s’était engagé à être présent aujourd’hui. Il n’en est rien, et nous sommes seul.e.s ce matin.
Nous demandons donc que notre droit de retrait soit respecté. Nous souhaitons que les promesses relatives à la sécurisation de l’établissement faites par les représentants du CD 93 soient tenues. Nous désirons enfin qu’à l’aune de cette dramatique augmentation de la violence, l’institution propose des solutions effectives, rapides et pérennes, et cesse d’exiger de nous que nous trouvions, seul.e.s, des remèdes miracles.
Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, dans sa lettre adressée aux chef.fe.s d’établissement datée du 5 novembre 2018, demande à ces dernier.ère.s « d’être attentifs à la parole des personnels et de leur apporter tout le soutien et l’accompagnement dont ils ont besoin en cas d’insulte ou d’agression. » Nous ne saurions nous satisfaire du seul soutien de notre chef d’établissement, et réclamons aujourd’hui un soutien institutionnel.
Les établissements scolaires sont des lieux d’apprentissages et d’éducation, et non des lieux où la violence fait droit. Nous sommes enseignant.e.s, et non policier.ère.s, assistant.e.s sociaux, infirmier.ère.s, psychologues. Nous ne réclamons que le droit de faire notre métier dans des conditions décentes de sécurité, et nous ne pouvons plus tolérer cet abandon total : abandon des élèves et de leurs familles, abandon des quartiers, abandon de fonctionnaires et contractuel.le.s ne pouvant plus pratiquer leur métier.
Les enseignant.e.s du collège La Courtille