1er juillet 2018

actu des établissements

« Contrats d’objectifs » : pas l’école que nous voulons !

Le SNES-FSU 94 soutient la position des élus des personnels enseignants et de vie scolaire du collège Albert Camus, du Plessis-Trévise. Ils s’opposent au "contrat d’objectifs" mis aux voix au Conseil d’Administration, comme dans de nombreux collèges du Val-de-Marne.
Voici la motion accompagnant leur vote, adoptée le 25 juin 2018 (11 voix pour, 1 contre, 8 abstentions) :

"Collège Albert Camus – LE PLESSIS-TREVISE

Motion présentée par les élus des personnels enseignants et de vie scolaire au Conseil d’Administration du 25 juin portant sur le refus du contrat d’objectifs.

Nous, élus des personnels enseignants et de vie scolaire, ne voterons pas le « contrat d’objectifs » présenté au CA du 25 juin 2018 et appelons à ne pas le voter.

Ce contrat d’objectif s’inscrit dans une logique de contractualisation des établissements, calquée sur l’école privée sous contrat et sur le management d’entreprise. Elle vise d’abord à « piloter la performance » des établissements et donc des personnels. En faisant reposer sur les personnels les responsabilités que devrait porter l’institution, ce contrat d’objectif participe à passer sous silence les logiques à l’œuvre dans les difficultés scolaires comme le manque de moyens attribués à l’éducation nationale ou l’accroissement des inégalités sociales. Dans tous les Services Publics s’étant convertis à cette religion du management, le bilan est déjà là : dégradation du service rendu au public, réduction des moyens au prétexte d’objectifs non remplis et souffrance accrue des personnels et des usagers. A cette logique comptable nous opposons le Service Public d’éducation, notre éthique professionnelle, notre bon sens et notre liberté pédagogique pour la réussite des élèves.

Cette logique de contractualisation adossée à des indicateurs chiffrés ne correspond pas à la réalité humaine de nos établissements. L’éducation n’est pas un marché, l’école n’est pas une entreprise et les élèves ne sont pas des marchandises. L’humanité avec laquelle nous travaillons ne saurait se réduire à des chiffres ou à des courbes. On ne peut que s’inquiéter fortement de voir des objectifs apparaître dans ce document comme « favoriser les partenariats avec les entreprises ». Rappelons ici que les entreprises sont des agents économiques ayant pour but le profit financier et qui, de ce fait, ne peuvent participer à remplir les réels objectifs qui sont les nôtres : élever le niveau de connaissance, de compétence et de culture commune de toute une classe d’âge et viser à l’émancipation des futurs citoyens que sont les enfants scolarisés au collège.

Ainsi, l’objectif visé de 90 % des élèves ayant leur brevet n’est pas opérant dans un collège : le taux de réussite à un examen national dépend bien sûr de la cohorte des élèves qui le passent et dont le niveau varie selon les années et l’épreuve. De plus, cela pousse les établissements ainsi mis en concurrence à une politique du chiffre et à des pressions de l’administration sur les enseignants pour par exemple valider les compétences du socle commun. Nous avons déjà assisté à cet encouragement à la validation prétendue « dans l’intérêt des élèves » cette année dans notre établissement lors des conseils de classe de troisième.

De la même manière, le fonctionnement du GPDS devrait être évalué par le nombre de dossiers traités. Cela relève d’un traitement comptable de l’échec scolaire et conduit à des biais problématiques. En effet, si le GPDS fonctionne efficacement, c’est à une baisse du nombre de dossiers traités que nous assisterons. A l’inverse, si le nombre d’élèves décrocheurs s’accroît, le nombre de dossier augmentera. L’indicateur qu’est

le nombre de dossiers traités n’est donc pas opérationnel dans ce cas : il ne permet pas de mesurer le fonctionnement du GPDS.

(...)

D’autre part certains objectifs sont très flous et les mesures à mettre en place apparaissent bien limitées voir inopérantes au regard des enjeux. Ainsi, l’objectif « améliorer le bien-être dans l’établissement » nous intéresse particulièrement. Concernant les personnels, nous avions mesuré en février 2016 les conditions de travail des personnels de l’établissement à l’aide d’un questionnaire réfléchi et étoffé dans lequel nous avions explicité notre démarche et nos outils. Le constat était accablant et les résultats de cette enquête montraient que pour une très large part, les personnels interrogés constataient une dégradation de leurs conditions de travail d’abord et essentiellement liée au manque de dialogue et de confiance avec l’administration. L’audience demandée à la suite de cette enquête avait conduit à un audit de l’établissement par les autorités académiques dont les résultats ne nous ont pas été communiqués. En cette fin d’année, le constat est le même. De plus, au regard de cet enjeu qu’est le bien être au collège, même s’il ne concernait que les seuls élèves, les mesures à mettre en place mentionnées dans le document sont floues et dérisoires puisqu’il s’agit de « s’approprier les lieux » ou de mettre en place des « ateliers de sophrologie ». On remarque d’ailleurs que concernant cet objectif, aucun indicateur d’évaluation chiffrée n’est proposé ce qui en dit long.

Le contrat fixe également comme objectif de proposer à tous les élèves un voyage par niveau, ce qui nous paraît être un bon objectif. Cependant, notre expérience montre que les pratiques à l’œuvre (...) contredisent cet objectif. Il y a encore quelques années au collège Albert Camus, tous les élèves de cinquième partaient au ski, un voyage en Auvergne était organisé pour les quatrièmes. Ces deux initiatives ont été annulées par les précédentes directions de l’établissement. Il nous faut ici rappeler que l’organisation des voyages par les collègues repose trop souvent sur le bénévolat et que les heures supplémentaires ont été refusées l’an passé à plusieurs organisateurs. (...) Il nous apparaît donc comme contradictoire de préconiser la multiplication des sorties et des voyages tout en rendant plus difficile leur organisation.

Sur la forme également ce contrat d’objectifs pose problème. En effet, la première page du contrat, qui a été donnée en modèle aux chefs d’établissement dans une circulaire datée du 15 novembre 2017, mentionne deux parties contractantes qui ne sont ou ne seront plus en fonction à la rentrée prochaine (...)

Nous dénonçons aussi le cadre discrétionnaire dans lequel a été conçu ce document. Madame la Rectrice Béatrice Gilles dans la circulaire adressée aux chefs d’établissement, datée du 15 novembre 2017 (2017-102) et portant sur la contractualisation des établissements, établit comme étape préalable à la rédaction du contrat d’établissement un « autodiagnostic ». Madame la Rectrice affirme que cet autodiagnostic doit être « piloté par l’équipe de direction » et qu’il doit être « partagé par l’ensemble de la communauté éducative » à partir de neuf axes mentionnés dans la circulaire dont « la contribution des personnels, des équipes et des instances au

pilotage pédagogique, la relation avec les parents ». Nous n’avons pas eu connaissance d’un tel autodiagnostic et n’y avons pas été associés.

Nous nous interrogeons également sur la position du conseil départemental qui, en vertu de l’article R 421-20 du code de l’éducation peut être associé au contrat d’objectif.

Pour toutes ces raisons, nous appelons donc, conformément au code de l’éducation qui stipule que le Conseil d’Administration est souverain en la matière, à ne pas voter le contrat d’objectifs présenté."