Le CA du mardi 17 octobre du collège Henri Barbusse (Saint-Denis) a adopté 3 motions présentés par les personnels enseignants et d’éducation . Les deux premières ( en pièce jointe) concerne le programme « Devoirs faits »et les évaluations diagnostiques de sixième, la dernière enfin critique l’école de la « performance » selon Blanquer.
Les fables de Jean-Michel Blanquer : quand « confiance » rime avec performance
Nous, personnels d’enseignement et d’éducation du collège Henri Barbusse, loin de souscrire au satisfecit de nombre de commentateurs et de médias dominants qui a entouré la nomination en mai 2017 de M. Jean-Michel Blanquer à la tête du ministère de l’éducation nationale, souhaitons exprimer les plus vives inquiétudes quant à son approche ouvertement libérale des questions éducatives. Ainsi, dans une interview accordée au Journal du dimanche en juillet 2017, Jean-Michel Blanquer affirmait : « Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas s’inspirer du privé, mais aussi des modèles étrangers et surtout des études scientifiques. Le vrai ennemi du public, c’est l’égalitarisme ; son ami, la liberté. La liberté bien conçue favorise l’égalité. » Au-delà de sa proximité affichée avec « Agir pour l’école », une association satellite de l’Institut Montaigne, un think tank qui a largement inspiré la campagne du candidat Emmanuel Macron, le livre programme de Jean-Michel Blanquer, intitulé L’École de demain (éditions Odile Jacob, 2016), contient en substance les principales orientations dont nous commençons à entrevoir la mise en pratique à l’occasion de la rentrée 2017. Sa vision de l’école, qui repose sur des principes inspirés du modèle anglo-saxon, est diamétralement opposée à la nôtre.
L’école prônée par Jean-Michel Blanquer est d’abord une école du déterminisme. Elle s’appuie sur un retour à une mystique des « fondamentaux » et un pilotage par les neurosciences qui négligent absolument les inégalités d’accès aux savoirs dont sont victimes les élèves d’établissements comme le nôtre. Cette approche scientiste, qui postule que tou.te.s les élèves ne sont pas égaux.ales devant les apprentissages et que leurs « intelligences multiples » les orienteraient d’office vers des parcours spécifiques, vise à mettre en place une sélection à chaque étape de la scolarité. Au collège, le risque est de voir se multiplier des groupes de compétences comme autant de groupes de niveau dont nous savons d’expérience qu’ils nuisent à la progression des élèves les plus faibles tandis qu’à l’entrée à l’université, l’idée d’une élaboration de « prérequis » commence déjà à faire insidieusement son chemin.
Nous sommes d’avis qu’on ne peut demander aux sciences cognitives de dicter une politique éducative, encore moins de servir de caution aux attaques de plus en plus brutales dont l’école fait l’objet. Au cœur d’un territoire comme le nôtre, les sciences cognitives peuvent-elles justifier de la vétusté des locaux au sein desquels nous accueillons nos élèves, de l’encadrement insuffisant dont ils.elles pâtissent ou des classes qui débordent ?
La vision de l’école de M. Blanquer constitue également un danger pour nos métiers. L’encadrement des pratiques pédagogiques, le recrutement sur profil des enseignant.e.s, l’autonomie renforcée des établissements font peser de lourdes menaces : caporalisation et mise en concurrence des équipes du fait d’une liberté accrue pour les chef.fe.s d’établissement d’affecter à moyens constants la dotation horaire de l’établissement en privilégiant telle ou telle discipline, hiérarchisation des établissements à travers l’élaboration d’évaluations régulières (en 6e, cette année, par exemple), nous voyons là les prémices d’une offensive de libéralisation à bas bruit du service public d’éducation. Derrière les mots d’ordre d’ « innovation » et d’ « expérimentation », c’est bien une école de la performance qui se dessine et nous tenons à affirmer que nous refuserons d’y souscrire par tous les moyens nécessaires.
Les personnels d’enseignement et d’éducation du collège Henri Barbusse Saint-Denis (93)