Lettre ouverte des enseignants du lycée Louise Michel de Bobigny à M. Richard Descoings à l ?occasion de sa venue au lycée
le jeudi 12 février 2009.
M. Descoings,
Tout d ?abord, nous voudrions dire que nous n ?avons aucune hostilité personnelle à votre égard, ni en tant que directeur de l ?Institut d ?Etudes Politiques, ni en tant que Président de la Fondation Sciences Politiques. Pour autant, nous ne participerons pas à ce que nous considérons comme un simulacre de consultation avec le représentant de M. Sarkozy. Car, c ?est bien mandaté par le Président de la République que vous organisez cette consultation nationale et que vous venez aujourd ?hui dans notre lycée.
Pourquoi considérons-nous que cette consultation est un simulacre ?
La réforme voulue par M. Sarkozy et mise en ?uvre par M. Darcos a déjà été discutée au cours du premier trimestre et ses grandes lignes ont été rejetées par les lycéens, les parents et par une grande majorité d ?enseignants qui se sont exprimés dans la rue et par l ?intermédiaire de leurs syndicats et de leurs organisations représentatives. Comme cela est devenu maintenant une habitude, le gouvernement, craignant une révolte contre sa réforme, a nommé un médiateur qui doit tenter quelques aménagements susceptibles d ?amadouer l ?opinion et de diviser les opposants pour faire passer au bout du compte ses objectifs fondamentaux.
Or, nous ne pouvons avoir aucune confiance en M. Sarkozy qui est devenu expert dans l ?art du mensonge et de la communication.
Nous ne prendrons que trois exemples significatifs :
– comment avoir confiance dans un gouvernement qui dit vouloir engager une grande réforme de l ?enseignement pour en améliorer le fonctionnement et commence par supprimer en quelques années des dizaines de milliers de postes dans la fonction publique et en particulier dans l ?Education Nationale ? Dans le même temps, le ministre de l ?Education annonce la création de 5000 emplois précaires aux contours non définis pour résoudre les problèmes de l ?absentéisme sans en avoir discuté avec les représentants des personnels concernés.
– comment avoir confiance dans un gouvernement qui diminue les impôts sur les entreprises, diminue les recettes fiscales et demande à des établissements scolaires de chercher des financements auprès de ces mêmes entreprises ?
– comment avoir confiance dans un gouvernement qui affirme remettre en discussion son projet de réforme et annonce en même temps qu ?il va « l ?expérimenter » dans 100 lycées pour lesquels il trouve tout à coup 500 postes soit 5 en moyenne par établissement ? Il montre par là qu ?on ne peut expérimenter une réforme sans augmenter l ?encadrement pédagogique, ce que nous ne cessons de dire.
Pour que le dialogue s ?engage sur des bases saines, il faudrait au moins que, au préalable, les postes supprimés soient rétablis.
Nous ne sommes pas contre les réformes ??
Les enseignants du lycée Louise Michel, qui est un lycée classé « sensible », ont largement montré et montrent toujours qu ?ils ne sont pas, loin de là, hostiles à toute réforme.
Depuis des années, nous nous sommes engagés dans des changements profonds de nos pratiques pédagogiques qui réclament un investissement important, lequel n ?est souvent reconnu que de façon très marginale par l ?institution. En donnant ainsi leur énergie et leur temps, les enseignants essaient de renouveler leur manière de travailler avec les élèves.
Ce qui est au c ?ur de nos préoccupations, c ?est la volonté de ne pas sacrifier les enseignements fondamentaux tout en essayant de motiver le plus possible nos élèves et de leur donner les aides nécessaires à leur réussite.
?? mais nous sommes opposés à un certain type de réforme.
Vous pouvez rappeler à Mr Sarkozy nos principales demandes qui ont déjà été exprimées par nos organisations syndicales :
– nous demandons le rétablissement des postes supprimés et refusons toute réforme qui se traduirait encore par des suppressions de postes, par l ?augmentation des heures supplémentaires ;
– nous demandons la baisse des effectifs, principal moyen d ?aider nos élèves à mieux travailler, la diversification des situations pédagogiques par un travail en petits groupes, une véritable aide individualisée assurée par des professionnels ;
– nous demandons un aménagement du baccalauréat mais à condition qu ?il reste un diplôme de valeur nationale et offre des garanties d ?impartialité ;
– nous refusons la concurrence entre les lycées qui est une catastrophe pour nos zones sensibles et accentue la ségrégation sociale en enlevant à certains établissements leurs meilleurs éléments ;
– nous demandons le rétablissement d ?une carte scolaire pouvant garantir une mixité sociale ;
– nous demandons que l ?Etat renforce son engagement financier dans l ?Education et que cessent les incitations à rechercher des financements privés.
Nous ne sommes pas dupes de la man ?uvre gouvernementale. Ce gouvernement, sous couvert de réforme, a pour objectif le démantèlement des services publics.
Les projets Darcos font partie de cette politique, c ?est pourquoi nous demandons d ?abord leur retrait.
Nous refuserons évidemment d’expérimenter la réforme à la prochaine rentrée et nous serons dans l’action avec les élèves et les parents pour défendre un véritable service public d’éducation au service de nos élèves : le meilleur investissement qu ?une société puisse choisir pour son avenir.