Ci-joint un communiqué de presse des personnels du lycée Maurice Utrillo (Stains - 93).
Les personnels du lycée dénoncent la double violence que subissent leurs élèves, celle de l’institution qui ne leur donne pas les moyens de réussir, et celle de l’extérieur qui pèse fortement sur le climat scolaire, double violence contre laquelle ils.elles se sont déjà, à plusieurs reprises, fortement mobilisé.e.s.
Or, ils.elles apprennent qu’en lieu et place d’assistant.e.s d’éducation, d’infirmières, d’assistant.e.s sociales, de médiateurs et d’éducateurs supplémentaires, l’Etat leur a diligenté, sans autre forme de procès, un troisième proviseur adjoint chargé des questions de sécurité qui occupait précédemment des fonctions dans la gendarmerie. Cette nomination suscite les plus vives inquiétudes au sein de la communauté éducative. Pour toutes ces raisons, ils.elles annoncent être prêt.e.s à réagir par tous les moyens nécessaires.
Tout au long de l’année 2017-2018, notre lycée a été frappé par des faits d’extrême violence qui ont eu lieu sur le parvis devant l’établissement. C‘est dans ce contexte menaçant que nos élèves sont pourtant revenus en cours, ont continué d’apprendre, ont rendu leurs devoirs. Ils sont nombreux à avoir obtenu leur bac, avec tous les honneurs qu’on doit à ces héros ordinaires qui continuent d’étudier envers et contre tout et, il faut bien le dire, contre tous. L’année scolaire se terminant tant bien que mal, un CLSPD – conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance – ainsi que des « cellules de veille » rassemblant différents services de l’État ont été réunis : hélas, nous n’avons pas été collectivement associés à cette démarche. Pour le moment, nous n’avons aucun retour de cette instance, ni recommandations, ni solutions.
À la rentrée, nous avons appris que les moyens accordés par le rectorat pour l’année 2018-2019, ne nous permettaient pas de couvrir les besoins liés à l’augmentation du nombre d’élèves dans le lycée. Alors que le rectorat et le ministère se félicitent régulièrement des très bons taux de réussite de nos élèves, on continue à nous supprimer toujours plus de moyens comme la possibilité d’organiser des devoirs de quatre heures le samedi matin ou des stages de vacances. Nos institutions se disent impressionnées de l’attention que l’équipe éducative accorde à chaque élève mais elles nous suppriment plusieurs dédoublements de classes nous empêchant de travailler en petits groupes avec eux. On nous encourage à favoriser l’ouverture à la culture et aux arts mais on nous supprime la possibilité d’enseigner le théâtre et l’histoire des arts en seconde. Autant de dispositifs à l’origine de très bons résultats au baccalauréat et qui participaient à réduire les inégalités face à la réussite scolaire. En parallèle, nous avons été confrontés ces dernières années à une baisse régulière des moyens horaires accordés au lycée et à la suppression de nombreux postes d’adultes dans l’établissement, principalement sur des contrats aidés mais pas seulement : des secrétaires de direction, des assistants d’éducation, des agents d’entretien, des médiateurs. Moins il y a d’adultes dans un établissement, plus le climat scolaire et les conditions d’éducation se dégradent.
Parce que nos élèves subissaient cette double violence : celle d’une institution qui ne leur donne pas les moyens de réussir et celle extérieure au lycée, l’ensemble de la communauté éducative s’est fortement mobilisée pour réclamer davantage de moyens humains et éducatifs. On nous a promis que les institutions – la région pour le matériel et les locaux, le rectorat pour les postes et les heures supplémentaires – seraient particulièrement attentives au lycée Maurice Utrillo en cette rentrée 2018. La situation est pourtant toujours alarmante. En effet, à ce jour, en dehors de la pérennisation du poste d’assistant d’éducation (obtenue de haute lutte après plusieurs jours de grève et une mobilisation massive des personnels), nous n’avons obtenu aucune aide pour enrayer cette violence. Le Conseil Régional a pris la décision, unilatéralement, de rehausser les clôtures du lycée quand bien même toutes les violences qu’on a connues se sont déroulées à l’extérieur de l’établissement. Nous n’avons jamais connu de problèmes d’intrusion et sommes réticents à enseigner dans une forteresse.
Alors que nous réclamons à cor et à cris plus d’assistants d’éducation, plus d’infirmières, plus d’assistantes sociales, plus de médiateurs et d’éducateurs à Stains et à Pierrefitte, on nous a annoncé à la rentrée la création d’un troisième poste de proviseur adjoint chargé des questions de sécurité. La lettre de mission de ce nouvel adjoint ne nous a pas été communiquée et nous nous posons donc de nombreuses questions sur ce qu’on nous a présenté comme « une expérimentation ». Nous avons appris que ce nouvel adjoint n’était jamais intervenu en milieu scolaire et qu’il occupait précédemment des fonctions dans la gendarmerie. Que connaît-il des problématiques spécifiques à l’éducation prioritaire ? À quoi pourraient servir ses compétences dans un contexte où les problèmes de sécurité s’observent non à l’intérieur mais à l’extérieur de l’établissement ?
Cette nomination suscite de vives inquiétudes au sein de toute la communauté éducative et nous sommes prêts à réagir. Nos élèves ont moins besoin d’un proviseur adjoint supplémentaire issu de la gendarmerie que :
- De professeurs (en SES, en mathématiques, en vente, en anglais, certains élèves n’ont pas eu de professeur pendant un mois) ;
- D’équipes stables, formées et expérimentées ;
- D’assistants d’éducations, de CPE, d’assistants pédagogiques, d’infirmières, d’assistantes sociales, de psychologues.
Nous ne le répéterons jamais assez, nous ne le crierons jamais assez fort : c’est d’éducation que nos élèves ont besoin. Les réponses proposées par l’institution sont, une fois de plus, largement en deçà de ce que nos élèves méritent.