Déclaration d’ouverture SNES – FSU de la CAPA d’accès au grade de la classe exceptionnelle des professeur.e.s agrégé.e.s de l’académie de Créteil
27 juin 2019
Monsieur le Recteur, Mesdames, Messieurs
Cette CAPA d’accès au grade de la classe exceptionnelle pour les agrégé.e.s de l’académie de Créteil s’ouvre une fois de plus dans un contexte tendu et inquiétant. Aucun progrès n’a été fait par nos ministres depuis un an pour aller dans le sens de l’écoute et donner un vrai sens au dialogue social.
Le projet de loi dit « de transformation de la Fonction publique » en cours d’examen au Parlement constitue de fait un projet de destruction du Statut général des fonctionnaires et des services publics.
Le gouvernement ajoute à une situation déjà difficile de nouveaux outils de destructions : le parti pris qui consiste à contourner le principe du recrutement par concours en posant la contractualisation comme modalité normale de recrutement, conteste les principes mêmes de la déclaration du 26 août 1789 : « les citoyens sont également admissibles à toutes dignités places et emplois publics selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » Nos carrières sont moins attractives et les candidats moins nombreux ? Que font nos gouvernants pour rendre attractive la notion de service, susciter des vocations chez les jeunes citoyens ? Quel modèle de société et de réussite proposent -ils donc ? Le projet gouvernemental, d’une brutalité sociale inouïe, revient sur les droits conquis à la Libération, garantis par les grands équilibres du Statut général de 1946, réaffirmés et actualisés par les lois de 1983 et 1984 et confirmés en 2010 et 2016. Ces dispositions qui cadraient jusqu’à présent les droits et devoirs des fonctionnaires constituaient des garanties contre l’arbitraire et l’opacité du regard administratif sur les carrières. Elles sont attaquées sans vergogne, dans un geste qui illustre le mépris que l’Etat nourrit pour ses agent.e.s.
Fondées en 1946, les CAP, instances consultatives, permettent de lutter contre les passe-droits. Les représentants qui y siègent sont élus au suffrage universel. A partir du 1er janvier 2020, ces CAP ne seraient plus consultées ni sur les mutations, ni sur les promotions, ni sur les avancements. La hiérarchie opérerait seule dans ces domaines, sans aucun contrôle collectif, laissant chaque fonctionnaire isolé face à l’administration et sans aucune garantie du respect de règles équitables et transparentes. Et pourtant seul un regard collectif porté en CAP permet la légitimation des décisions administratives.
Les syndicats nationaux de la FSU appellent donc l’ensemble des fonctionnaires à poursuivre leur mobilisation pour que ce projet inique soit abandonné.
Nous y associons les autres projets tout aussi inadmissibles qui transforment en les dégradant la nature de nos métiers : le projet de loi Blanquer « pour une école de la confiance » et celui de la réforme du bac et des lycées.
Pour terminer sur le contexte social, nous siégeons aujourd’hui tandis que le Ministre a annoncé le report des épreuves écrites du brevet des collèges pour cause de canicule. Cette disposition qui manifeste, d’après le ministère le souci de prendre soin de la santé des élèves, fait écho de manière ironique à la situation de délabrement ou de danger sanitaire que constituent de nombreux établissements de notre académie. Quels moyens réels nous donne-t-on pour transmettre nos enseignements et accueillir nos élèves dans des conditions décentes ?
En ce qui concerne l’opération qui nous rassemble aujourd’hui, nous rappelons notre souci de défendre les mesures qui visent à la promotion d’un plus grand nombre de collègues et nous soutenons la création d’un nouveau grade depuis le 1er septembre 2017, mais nous ne pouvons nous satisfaire des conditions d’accès au premier vivier et des inégalités que les critères d’éligibilité installent entre les collègues. Ce premier vivier, qui doit fournir de manière tout à fait disproportionnée 80% des promotions des collègues de la classe exceptionnelle, met en avant à nouveau cette année des profils bien jeunes et qui bloqueront les possibilités de promotion des années prochaines ; les avis posés selon le mérite soumettent les propositions aux visites aléatoires des corps d’inspection et ne peuvent nourrir que les rancoeurs. Seuls 12 collègues "retraitables" sont retenu.e.s avec un avis excellent sur 51 au vivier 1. Nous renouvelons notre demande d’arriver à un vivier unique qui favorise les collègues en fin de carrière, seul critère objectif pour tous. Proposer une promotion de carrière à des collègues qui se portent candidats amplifient les déséquilibres hommes/ femmes – ces dernières pratiquant l’autocensure ou subissant les inconvénients d’une carrière discontinue- et les déséquilibres entre disciplines. La liste des situations d’enseignement ou des fonctions qui permettent de candidater au vivier 1 s’élargit mais demeure discriminante. Comment juger que telle situation est plus difficile ou éprouvante qu’une autre, que telle fonction est plus méritante qu’une autre ? Par exemple une collègue travaillant en établissement pénitentiaire ne bénéficie pas de la possibilité d’être au vivier 1. Il nous semble enfin que le vivier 2 ne fait pas remonter 10 % des promouvables comme le recommande pourtant le BO.
Nombre de problèmes identifiés lors des précédentes campagnes n’ont pas été résolus : examen complexe des candidatures, impossibilité pour les chefs d’établissement d’avoir accès aux zones de saisies, incompréhensions des collègues sur les conditions d’éligibilité au vivier 1.
De plus, notre rôle de commissaire paritaire nous conduit à vous interroger, Monsieur le recteur, sur les critères qui viennent déterminer vos propositions d’avis Excellent et Très satisfaisants. Certains avis « excellent » apparaissent pour des collègues dont les avis CE et IPR sont particulièrement mesurés et succincts quand des avis satisfaisants couronnent des parcours qualifiés de remarquables par les évaluateurs primaires. Au sein d’une même discipline (EPS) deux collègues d’âge et d’ancienneté égales sont ainsi traités de manière tout à fait distordue.
A nouveau plusieurs appréciations nous semblent déplacées : elles mentionnent les problèmes de santé des collègues, les suggèrent maladroitement ou s’appuient sur des critères ambigus. L’une de ces collègues a d’ailleurs saisi le médiateur du rectorat pour obtenir la modification de son appréciation.
Plusieurs incohérences nous interrogent et montrent les limites d’un tel processus d’évaluation. Les avis portés par un même chef d’établissement manquent d’homogénéité, certains reprennent les mentions des avis Hors classe, les indiquent en lettres capitales mais ne le font pas pour tous leurs enseignants. Tel collègue dont l’investissement est particulièrement souligné par son chef qui regrette l’absence d’inspection depuis 10 ans, bénéficie pourtant d’une appréciation particulièrement détaillée de son IPR. S’agit-il d’une erreur, d’un copié collé de l’appréciation CE, d’une rencontre « entre deux portes » ? A l’inverse un collègue, tuteur efficace depuis de nombreuses années, semble inconnu de son IPR qui n’appose pour lui que la formule minimum : « professeur qui assure ses missions avec sérieux ». La fréquence de cette mention assez impersonnelle met d’ailleurs en doute le suivi que certains corps d’inspection peuvent exercer auprès des enseignants. Enfin, que dire d’une collègue enseignant en collège et dont l’avis du chef d’établissement porte sur un enseignement en STS tourisme ; comment expliquer de telles erreurs ? Comment à partir de cet exemple ne pas remettre en question la validité des avis portés ? ....