Monsieur le Directeur Académique des Services de l’Education Nationale,
Les personnels d’enseignement du collège Anatole France sont très majoritairement en grève ce jour de rentrée scolaire. Ils nous est en effet absolument impossible de reprendre les cours en l’état.
Hommage à Samuel PATY
L’attentat perpétré sur notre collègue Samuel Paty a provoqué une vive émotion et une grande colère chez l’ensemble des personnels. La gestion de la reprise des cours nécessite un temps d’échanges entre enseignants afin de préparer au mieux l’hommage dû à notre collègue assassiné. Nous déplorons grandement que le temps initialement prévu à cet effet ait été annulé pour des raisons de sécurité, et qu’aucune alternative n’ait été trouvée. Il aurait été préférable de banaliser cette journée de rentrée pour l’ensemble des établissements, afin de laisser aux enseignants le temps et l’espace nécessaires pour préparer l’accueil des élèves.
La minute de silence nécessite des explications essentielles à l’adresse des élèves ; de même la lecture de la lettre de Jaurès n’est pas compréhensible sans une contextualisation au préalable ; il nous est enfin indispensable d’échanger entre pairs pour faire face collectivement aux questionnements qui pourraient surgir chez les élèves sur les questions sensibles de la laïcité et de la liberté d’expression.
Dans cette situation douloureuse, nous nous sentons abandonnés par notre autorité de tutelle, qui ne propose aucune solution pour répondre à nos difficultés et nos inquiétudes légitimes. Il est intolérable que la grève constitue l’unique moyen d’obtenir un temps de réflexion collective pour faire face à cet événement.
Climat d’insécurité au collège et à ses abords
Depuis quelques années, le nombre d’incidents au collège Anatole France se multiplie. Nous vous avons déjà alertés sur cette situation problématique, mais nous sommes restés sans réponse. Nous tenons à vous rappeler ces faits :
- A l’issu d’un conseil de discipline, une enseignante est régulièrement intimidée, depuis 2018. Des mains courantes et une plainte ont été déposées. Une procédure judiciaire a été mise en place.
- A la sortie du collège, des élèves ont intimidé deux enseignantes en se postant devant leur voiture. L’une d’elles a porté plainte.
- A la suite du vol en classe du téléphone d’une enseignante, des injures et des menaces de mort ont été taguées devant le collège à l’encontre d’une professeur et de la CPE. Nous avions exercé notre droit de retrait.
- La semaine suivante des insultes ont été taguées envers notre Principale Adjointe.
- Des déclenchements d’alarme quasi quotidiens perturbent le bon fonctionnement du collège,
- Le nombre de conseils de discipline s’est multiplié, créant un climat de tension permanent chez les élèves.
- Le collège se situe dans une impasse, entraînant des squats réguliers, nous constatons le matin de nombreuses douilles de protoxyde d’azote (gaz hilarants) et des déchets.
- Devant le collège, des anciens élèves squattent, interpellant et intimidant le personnel de l’établissement.
- A la pré-rentrée 2020, une enseignante se fait suivre jusqu’à son domicile par deux élèves, une main courante est déposée.
- Une multiplication de faits de violences physiques est constatée : bagarres entre élèves, coups dans les portes, refus d’autorité, insultes.
- Par le manque de moyens humains, des enseignants se joignent à la vie scolaire régulièrement pour gérer le flux d’élèves à la sortie. Ces enseignants et la vie scolaire reçoivent de ce fait des reproches et injures de la part des élèves et des parents.
- Le 16 octobre, jour de l’attentat qui a coûté la vie à Samuel PATY, une enseignante a été interpellée sur le trajet jusqu’au parking du collège par des anciens élèves. Deux d’entre eux se sont présentés masqués (intégralement pour l’un), ont stoppé son véhicule et ont mimé un tir de fusil à son encontre.
Dans ce contexte, un climat d’insécurité permanent se fait ressentir au collège et à ses abords. Nous craignons que la situation ne devienne critique. Nous nous sentons en danger et cela nous impose de redoubler de vigilance pour notre sécurité personnelle et celle de nos biens, afin de venir exercer nos fonctions.
Protocole sanitaire
Le protocole sanitaire mis en oeuvre depuis la rentrée de septembre ne permet pas de répondre aux exigences de la crise sanitaire que nous traversons.
En effet, les professeurs du collège Anatole France ont pu constater un certain nombre de dysfonctionnements graves concernant la sécurité des élèves et des personnels :
– La gestion des comportements des élèves est difficile à cadrer totalement : mauvaise utilisation du masque, prêt de matériel entre élèves, non respect des gestes barrières, lavage des mains impossible aux toilettes et mauvaise utilisation du gel (voire refus).
Cette gestion est rendue d’autant plus difficile du fait des contraintes matérielles et humaines qui sont les nôtres :
- Les agents d’entretien assument plusieurs tâches (service de cantine, de nettoyage, accueil) pour lesquelles ils sont déjà en sous-effectif en situation normale. Ainsi, les salles ne sont pas nettoyées tous les jours, le gymnase n’est nettoyé qu’une fois par semaine.
- Le renouvellement du stock de gel hydroalcoolique n’est pas toujours assuré. Nous déplorons que l’achat de ce produit indispensable ne fasse pas l’objet d’un financement spécifique et qu’il soit actuellement pris sur le budget de l’établissement.
- Notre nouvelle infirmière est en arrêt maladie depuis la rentrée et n’est pas remplacée à ce jour. Cette situation complique d’autant plus la remontée des cas de suspicion COVID. Les élèves présentant des symptômes sont dirigés vers la Vie Scolaire qui doit prévenir les familles et ils y restent jusqu’à ce que quelqu’un puisse venir les chercher. Nous nous inquiétons de l’absence d’obligation de test négatif pour autoriser le retour en classe des élèves.
- Les salles sont conçues pour accueillir 26 élèves et les postes informatiques. Sans diminution des effectifs pris en charge, il est impossible de respecter les règles de distanciation physique. D’autre part, la configuration du bâtiment ne permet pas non plus de distanciation physique lors des mouvements de foule. Elèves et professeurs sont contraints de s’agglutiner dans la cour, les escaliers, les couloirs et les salles.
- L’aération des salles est faite régulièrement mais les ordinateurs gênent l’ouverture des fenêtres. La pluie pénètre dans les salles en cas d’intempéries et le vent provoque de gros courants d’air difficiles à maîtriser. L’hiver arrivant, cette situation ne peut que se dégrader.
- Si nous ajoutons à ces éléments des masques fournis potentiellement dangereux pour les élèves et pour les personnels, nous ne pouvons que constater notre mise en danger quotidienne.
Le nouveau protocole ministériel, ne prévoyant aucun moyen supplémentaire, n’apportera aucune réponse concrète et efficace à l’ensemble des manquements constatés précédemment.
Au vu de ces éléments nous estimons indispensable d’obtenir une audience auprès de vos services dans les plus brefs délais.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur Académique des Services de l’Education Nationale de Seine-Saint-Denis, l’expression de notre considération la plus distinguée.
Les personnels d’enseignement et d’éducation
du collège Anatole France des Pavillons-sous-Bois
Soutenus par la section syndicale SNES-FSU