Non-renouvellement de nos collègues assistants d’éducation :
La fabrique des boucs-émissaires
Nos collègues assistants d’éducation ont été reçus au début du mois de juin en entretien individuel par la direction de l’établissement, en présence des CPE. Il s’agissait de faire le bilan de l’année écoulée, en vue de la reconduction de leur contrat annuel. Les décisions qui en découlent sont brutales : plus de la moitié de l’équipe n’est pas renouvelée. L’un d’entre eux se voit proposer un mi-temps à la place du temps plein actuel. Malgré les nombreuses démarches de concertation, rien n’a permis d’infléchir les décisions prises.
Pour ces collègues, investis et présents tout au long de l’année, c’est la stupéfaction.
Mais que leur reproche-t-on ? Pas leur investissement ni leur implication, mais un « positionnement » qui ne serait pas approprié. Ils auraient, chacun à leur manière, été « trop proches » des élèves, « pas assez convaincus », « pas d’accord philosophiquement », pas assez « présents physiquement ».
Pour peu que ces remarques, passablement impressionnistes, aient une part de vérité : qu’est-ce qui a été mis en place, tout au long de l’année, dans l’accompagnement de ces nouveaux venus dans le travail de vie scolaire, pour que le positionnement s’améliore ? Il n’y a pas eu de rendez-vous réguliers, de bilans d’étape, de travail d’encadrement permettant à chacun d’avancer dans la maitrise de ses fonctions. Pas de journées de formation non plus, malgré l’obligation légale de l’employeur d’organiser une "formation d’adaptation à l’emploi, incluse dans le temps de service effectif" (article 6 du décret 2003-484 fixant les conditions de recrutement et d’emploi des assistants d’éducation). La direction affirme maintenant, par courrier, "avoir retravaillé le cadre et les objectifs assignés aux ASSED pour la rentrée 2018-2019 afin de remédier à ce dysfonctionnement" ; que ne l’a-t-elle fait plus tôt, en accompagnant, soutenant, formant les personnels en poste ?"
Pour l’heure, nos collègues ont juste eu droit à ce rendez-final, couperet.
La Vie Scolaire dysfonctionne ? Qu’on lui coupe la tête.
Car voilà le fond de l’affaire : la Vie Scolaire dysfonctionne. Les élèves qui sèchent ? La Vie Scolaire. La mezzanine qui est bruyante ? La Vie Scolaire. Les jeunes qui se déscolarisent ? La Vie Scolaire. Tous les maux que nous rencontrons dans la gestion de nos classes, au quotidien comme sur le long terme, nos jeunes collègues de la Vie Scolaire sont censés pouvoir y apporter des solutions.
Nos collègues sont les boucs émissaires -proies tellement faciles !- des problèmes rencontrés au lycée. La racine des problèmes rencontrés dans notre établissement dépasse largement celui-ci : les conditions sociales difficiles rencontrées par nombre de nos élèves et de leurs familles, le manque d’adéquation entre la situation de nombreux jeunes et les propositions éducatives insuffisantes offertes par le service public d’éducation, rendent la vie difficile dans tous les lycées du département, et encore plus pour ceux accueillant le public de la voie professionnelle.
Les conditions matérielles du lycée, avec son exiguïté, son manque de salles, son absence de foyer digne de ce nom, rendent par ailleurs la gestion collective de centaines d’élèves particulièrement difficile.
Nos quatre collègues mis en cause n’ont jamais été absents. Trois d’entre eux ont choisi d’engager leur carrière dans l’éducatif et même dans l’Education nationale, en préparant en parallèle des diplômes universitaires qui y conduisent. Il s’agit pour eux de bien plus qu’un travail alimentaire, mais d’un terrain d’expérience éducative riche de questionnements. Nombre d’enseignants ont pu échanger avec eux, tout au long de l’année, avec profit, et nul doute que les élèves ont, aussi, bénéficié de leur apport.
Si la direction n’a pas su tirer profit de ces compétences, elle en est la première responsable.
Pour nos jeunes collègues, les entretiens ont été une véritable gifle. Il s’agit d’une remise en cause brutale, sans appel, qui s’additionne aux tracas de la nécessaire recherche d’un autre emploi.
Quelles seront les conséquences de cette gestion de la Vie Scolaire l’année prochaine ? Verra-t-on une nouvelle Vie Scolaire se mettre en place avec une épée de Damoclès sur la tête ?
Cette évolution dans le mode de gestion du personnel nous alerte. Quelles seraient les conséquences d’une situation qui verrait les directions d’établissement donner leur verdict sur le travail éducatif de chacun ? Nos collègues contractuels sont déjà sujets à cette situation : avec quels résultats sur leur sérénité ! Beaucoup d’entre nous, et parmi les rédacteurs de ce texte, ont connu, à un moment ou un autre de l’année, des difficultés de gestion avec des élèves où il leur a fallu demander des appuis d’autres adultes et de la direction. Avec la même gestion que celle opérée avec le personnel de Vie Scolaire, ils seraient, eux aussi, sur la sellette.
La gestion de la Vie Scolaire, en cette fin d’année, est aux antipodes des conceptions que nous avons d’une école émancipée, dans les savoirs et compétences que nous transmettons, mais aussi dans les relations entre tous les personnels d’un établissement. Aussi, nous tirons la sonnette d’alarme.
Nous avons demandé et continuons de demander :
– L’assurance de réemploi, à temps plein, au lycée ou dans un établissement proche, des trois collègues qui ont toujours été présents et investis.
– Une remise à plat du fonctionnement de la gestion de nos collègues précaires, afin qu’une telle situation ne puisse pas se reproduire dans l’avenir.
Afin que la situation rencontrée à Eugénie Cotton ne puisse pas être un cas d’école, nous revendiquons auprès du Ministère de l’Education nationale une remise à plat du statut des assistants d’éducation. Ceux-ci doivent pouvoir bénéficier d’un contrat leur permettant d’envisager sereinement travail et poursuite d’études, et bénéficiant d’un accompagnement et de formations, et dans le cadre de contrats pluriannuels.
La CGT Education, le SNES-FSU et les personnels alertés du lycée Eugénie Cotton