On espérait une rupture avec la loi Fillon de 2005 et on est largement déçu. Le principe du collège unique est réaffirmé et les dispositifs d ?éviction précoce des élèves (loi Cherpion, apprentissage junior ??) ont été supprimés. C ?est une bonne chose comme l ?est la disparition de la note de vie scolaire de la loi. Cependant dans le même temps, des mesures phares de la loi précédente sont réaffirmées comme étant au c ?ur du collège. La mise en place de « l ?école du socle » tant désirée par Luc Chatel est accélérée.
Une continuité désespérante
Le socle commun
La loi insiste énormément sur le socle commun qui, même repensé, présenté comme enrichi des dimensions culturelles et censé être mieux articulé avec les programmes, en reste distinct. Le risque d ?une scolarité limitée au seul socle pour certains élèves demeure. On est toujours dans la logique d ?objectifs définis en cercles concentriques : le programme pour les uns, le seul socle pour d ?autres. Le dispositif ECLAIR n ?ayant pas été supprimé, il existe donc toujours des établissements dont les objectifs sont officiellement limités au socle.
La loi stipule qu ?il« est nécessaire de réaffirmer le principe du collège unique à la fois comme élément clé de l ?acquisition, par tous, du socle commun et comme creuset du vivre ensemble. » C ?est un drôle de collège unique qui est défini. Un collège qui a le socle en commun et où l ?acquisition des programmes n ?est pas destinée à tous.
Le Livret personnel de compétence
Le LPC, jugé « trop complexe », sera réformé. Il n ?est donc pas supprimé et ce malgré le constat largement partagé de « la difficulté d ?évaluer les élèves avec des dispositifs lourds et peu coordonnés entre eux ». En outre, la loi annonce une évolution des « modalités d ?évaluation et de notation des élèves » pour privilégier une « évaluation positive, simple et lisible, valorisant les progrès, encourageant les initiatives et compréhensible par les familles ». La suppression du LPC aurait donné du crédit à cette déclaration d ?intention.
Le rôle du brevet
Il n ?est plus indiqué dans la loi que le DNB atteste la maîtrise du socle. Néanmoins, le nouveau Conseil supérieur des programmes devra faire des propositions, notamment sur la redéfinition du socle et « l ?évolution du diplôme national du brevet et son articulation avec la validation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ». Dans l ?article 32 le brevet est présenté comme « intervenant au terme de la scolarité obligatoire et de l ?acquisition théorique du socle ». Faut-il comprendre que la scolarité obligatoire s ?arrête à l ?issue de la 3e ou que le brevet peut-être passée en classe de seconde ?
Un collège réorienté vers l’école primaire
Pourquoi Luc Chatel en rêvait ?
A partir du constat jamais prouvé que le passage du cm2 au collège était source d ?échec scolaire, Luc Chatel avait lancé des expérimentations destinées à mettre en place « l ?école du socle ». Cette conception du collège avait pour conséquence la mise en place de la bi ou trivalence en 6e et en 5e, l ?intervention des PE (professeurs des écoles) au collège (au-delà de la SEGPA) et pour perspectives de très confortables économies. On sait en effet que la mise en place de la bi ou trivalence permettrait de donner une « flexibilité » dans la gestion des personnels qui permettrait « d ?économiser » des milliers de postes. Les obligations réglementaires de service des PE étant plus grandes en termes d ?horaires d ?enseignement que celles des agrégés et certifiés, employer davantage de PE dans le secondaire permettrait d ?énormes économies.
Ce que dit la loi Peillon
Sous couvert d ?assurer une meilleure continuité pédagogique, le projet de loi prévoit des mesures structurelles qui conduisent à rapprocher dans un bloc unique l ?école primaire et le collège.
C ?est tout d ?abord la « création d ?un cycle associant le CM2 et la classe de 6e ». C ?est ensuite l ?institution d ?un « conseil école-collège qui propose au conseil d ?administration du collège et aux conseils des écoles des actions de coopération et d ?échange. Le conseil école-collège peut notamment proposer que certains enseignements ou projets pédagogiques soient communs à des élèves du collège et des écoles. » (art. 36). Ainsi on a donc un cycle interdegrés aux « objectifs et programmes » communs, des « enseignements communs » qui peuvent être proposés localement par le conseil école-collège et des « actions de coopération et d ?échange ».
Certes un travail en concertation pour une meilleure connaissance réciproque est nécessaire mais en maintenant un collège pleinement inscrit dans le second degré et en respectant l ?identité professionnelle de ses personnels. Au SNES on pense que la rupture à l ?entrée en 6e est pour les élèves l ?occasion de grandir. L ?entrée disciplinaire dans les apprentissages et une équipe enseignante à la place d ?un maître unique est l ?occasion pour de nombreux élèves de se relancer. Le tout est d ?avoir les moyens nécessaires pour réussir ce passage.
Si le caractère général de la loi Peillon est actualisé dans le sens d ?un bloc école-collège distinct du lycée par les décrets d ?application à venir, tous les dangers décrits plus hauts vont se réaliser : attaque contre les disciplines, bi ou trivalence, temps de service étendu sur le modèle de celui des PE, échanges de services entre le premier et le second degré.