Les enseignants du collège Jean Moulin d’Aubervilliers réunis en assemblée générale ce jour, 13 janvier 2006, à l’initiative de la section SNES, ont voté le principe d’une grève à l’appel du SNES 93 le jeudi 26 janvier, à une large majorité (26 sur une trentaine de présent), conscients toutefois que la seule grève ne peut suffire en fait d’action contre le train de réformes initiées par le gouvernement Villepin. Ils ont décidé d’une heure d’information syndicale le jeudi 19 janvier afin d’approfondir leur information et leur réflexion, de débattre avec les collègues hésitants et de proposer des actions permettant de s’opposer efficacement à ces réformes.
Quatre aspects de la politique gouvernementale s’avèrent particulièrement nuisibles à une éducation à la fois nationale, exigeante, attentive aux élèves et respectueuse de la liberté des enseignants :
– LA DEREGLEMENTATION DE LA PROFESSION, qui passe par la déqualification des enseignants : bivalence (enseigner plusieurs matières et à n’en maîtriser aucune), remplacements imposés, suppression des maxima horaires qui réduit le temps de travail autonome, extension des tâches (surveillance, orientation, administration), décentralisation des personnels,
– LE RECUL DE L’AMBITION DE FORMATION (recul de l’âge de la scolarité obligatoire à quatorze ans, appauvrissement des enseignements par l’effet de la mise en place du socle commun de connaissances et de compétences),
– LA REDUCTION CONSTANTE ET METHODIQUE DES MOYENS (Dotations horaires en baisse, réduction des postes aux concours, contingentement budgétaire, mise en place de la LOLF)
– L’INADEQUATION DE LA REFORME DE L’EDUCATION PRIORITAIRE, véritable laboratoire pour la dénationalisation de l’éducation par le biais de la contractualisation des moyens, de l’autonomisation des établissements, de l’externalisation de la lutte contre l’échec scolaire (soutien, études, accompagnement individualisé...)
Plus généralement, plusieurs questions se posent, quant aux intentions de l’administration de l’éducation nationale, et de l’ordonnateur de sa politique, le ministre Gilles de Robien.
Comment le ministre peut-il critiquer l’autorité d’enseignants moralement et physiquement éprouvés, quand il s’attaque au fondement même de cette autorité (leur savoir) et à la condition de son actualisation (le temps de travail autonome) ?
Comment peut-il penser restaurer des conditions d’enseignement favorables par une note de conduite alors que diminue sans cesse le nombre de personnels de vie scolaire et que le nombre de conseillers d’éducation est évidemment insuffisant ?
Comment peut-il prétendre rénover les zones d’éducation prioritaires alors qu’en fait de moyens horaires, tous les établissements, éducation prioritaire comprise, seront amputés de plusieurs heures ?
Comment veut-il lutter contre l’échec scolaire sans donner la moindre heure pour aider les élèves en grande difficulté tout en les maintenant dans le groupe classe, ce qui reste toujours dynamisant ? Que vaudra la suppression du redoublement si rien n’est fait pour accompagner ces élèves ? Et puisque les dotations horaires sont bloquées, faudra-t-il prendre sur les heures matière pour assurer l’accompagnement individualisé ?
Comment peut-il croire lutter contre les zones de relégation en organisant la fuite des meilleurs élèves par l’autorisation de dérogations au mérite ?
Comment peut-il imaginer que les conseils avisés de cinq super-profs dans les établissements d’éducation prioritaire pourra résoudre la contradiction entre l’inexpérience des jeunes enseignants et la difficulté du public auquel ils sont confrontés ? N’aurait-il pas mieux valu faire confiance aux équipes en place, assurer leur stabilité et surtout, leur donner les moyens d’un travail de collaboration performant, en dégageant dans le service de tous les professeurs une heure de concertation sur les classes et sur les pratiques pédagogiques ?
Ne s’agit-il pas dans le fond d’une réforme qui vise à donner aux établissements toute licence (d’horaires, de programmes, de statuts...) pour gérer l’absence de moyens pour faire face à des situations aussi tragiques que méprisées ?
Plutôt que d’instaurer un garde-fou illusoire et agressif (inspection annuelle, contractualisation), ne vaudrait-il pas mieux éviter les dérogations tous azimuts et repenser l’éducation prioritaire à partir des besoins ?
A terme, n’aboutira-t-on pas à une sous-Ecole pour les pauvres des quartiers, avec des programmes allégés, des horaires à la carte et des profs présurés ?
Accablés mais déterminés, les enseignants du collège Jean Moulin se déclarent prêts à participer à des actions fortes pour faire échouer le saccage de l’Ecole.
Aubervilliers, le vendredi 13 janvier 2006