Les médias avaient bien rôdé un discours visant à amenuiser l’ampleur de la mobilisation face à la réforme au printemps 2015. Pourtant la majorité de la profession y avait montré son opposition.
Preuve en est la précipitation du gouvernement à publier le décret dans la nuit du 19 au 20 mai. « Il faut aller vite » nous dit le Premier Ministre, d’autant plus que la rue gronde de plus en plus fort.
Depuis le début des « discussions » sur la réforme, le Ministère a démontré son refus d’entendre les inquiétudes, les oppositions des professionnels vis à vis de cette réforme.
Le passage du décret le 20 mai est censé clore le sujet. Or, le sujet n’est pas clos, loin s’en faut. La profession est en train de comprendre la teneur de cette réforme complexe et doit se mobiliser pour en affirmer plus fort encore son refus.
La médiatisation sur le rejet de la réforme a fait la part belle aux oppositions partielles, partiales et réactionnaires ; il faut faire entendre notre position progressiste, exiger le retrait de cette réforme dévastatrice qui avance sous le masque d’une égalité proclamée par le gouvernement.
En cette rentrée, il semble que les raisons de l’inquiétude et de la colère soient mieux comprises et peu à peu relayées.
Mais il faut continuer de les expliquer :
Cette réforme s’attaquerait à l’élitisme du collège ?
La suppression des « options sélectives », telles quelles sont présentées, le latin, le grec, les sections bilangues, la DP3 devrait assurer une plus grande égalité entre les élèves. En réalité c’est un appauvrissement d’une offre d’enseignements variés, offerts à tous les élèves, quelques soient leurs milieux sociaux, qui est mis en oeuvre. La démocratisation serait ainsi synonyme d’appauvrissement dans les collèges.
Cette réforme nous donnerait plus d’autonomie et donc de liberté ?
La communication ministérielle le martèle : les 20% d’autonomie sont le coeur de cette réforme.
De quoi parle-t-on ? Les collèges gèrent déjà une part d’autonomie sur ce qui reste de leur dotation horaire globale, une fois les horaires disciplinaires réglementaires distribués.
Ce qui change c’est que cette part d’autonomie concerne désormais la répartition des heures d’enseignements interdisciplinaires et d’accompagnement personnalisé à prélever sur les horaires disciplinaires réglementaires. Ainsi, c’est très clairement les horaires disciplinaires qui servent de variable d’ajustement au sein de chaque établissement, dont le conseil pédagogique et le chef d’établissement décideront le répartition des EPI et de l’AP sur telle ou telle discipline.
Cette réforme doit permettre aux élèves de moins s’ennuyer ?
La Ministre l’a dit, les élèves s’ennuient dans les collèges, les enseignements interdisciplinaires devraient donc les divertir, ou, tout au moins, rendre leurs apprentissages plus concrets.
Deux choses ici.
Premièrement, c’est faire fi du souci des enseignants de trouver les moyens divers de motiver leurs élèves tout au long de leur scolarité.
Deuxièmement, le collège n’est pas un lieu de divertissement mais d’apprentissage, d’enseignement, d’approfondissement, au sein duquel des moments de réflexion, voire d’introspection sont nécessaires.
Troisièmement, si les enseignants ne donnent pas suffisamment de sens aux apprentissages, la remédiation ne viendrait-elle pas plutôt d’une meilleure offre de formation pédagogique à leur égard ; plutôt qu’une injonction à la transdisciplinarité pour des enseignants dont les compétences riches résident dans leurs capacité à transmettre des savoirs fondamentaux dans les disciplines pour lesquels ils se sont formés ?
Cette réforme permettrait un suivi plus individualisé des élèves ?
La réforme introduit un accompagnement personnalisé à tous les niveaux, sur le modèle de ce qui se fait déjà en 6e. Or, cet accompagnement n’a rien de personnalisé, étant donné l’obligation que tous les élèves aient le même nombre d’heures d’enseignement et que les moyens donnés sont insuffisants pour constituer des groupes réduits, en accompagnement personnalisé mais aussi dans les enseignements pratiques interdisciplinaires.
Cette réforme donnerait la priorité à l’enseignement des langues vivantes ?
Introduction d’une LV2 en 5e, retour à 4 heures de LV1 en 6e, l’ambition semble affichée. Pourtant, avec 2h30 d’enseignement en LV2 de la 5e à la 3e, au lieu de 3h hebdomadaires en 4e et 3e, les enseignants et les élèves ne disposeront pas du temps nécessaire chaque semaine pour permettre aux élèves d’assimiler les structures de la langue apprise en LV2.
Cette réforme serait ambitieuse pour les collégiens ?
Effectivement nous fonctionnons sur un système d’enseignement disciplinaire, et sommes convaincus que c’est là l’un des meilleurs moyens pour que nos élèves comprennent et assimilent les savoirs fondamentaux que nous maîtrisons le mieux dans les disciplines qui nous passionnent et pour lesquelles nous avons été formés.
En quoi faire de l’interdisciplinarité, une règle serait plus ambitieux ? Les projets transdisciplinaires sont fréquents dans les établissements : voyages, sorties, projets divers autour de thèmes précis... Les parcours diversifiés et itinéraires de découvertes avaient déjà été instaurés et pourtant ils ne semblent pas avoir fait leurs preuves.
Des heures disciplinaires en moins, des enseignements qui disparaissent, de la transdisciplinarité sans temps de concertation pour les enseignants, cette réforme ressemble davantage à de l’austérité qu’à une volonté de créer un collège public plus ambitieux.
Informez-vous et informez autour de vous.