Communiqué des représentants des professeurs au conseil d’administration
De la raison pour laquelle nous avons boycotté le CA ce soir
Le Conseil d’Administration du collège Jean Moulin d’Aubervilliers n’a pu se tenir ce soir, le quorum n’ayant pas été atteint : les représentants des professeurs et des parents d’élèves ont refusé de siéger.
Des circonstances
Nous avons alerté dans la matinée le chef d’établissement : il nous paraissait difficile de statuer sur la répartition horaire pour plusieurs raisons.
– La répartition entérine une dotation illégale : les horaires nationaux n’y sont pas respectés (une demi-heure manque en cinquième et en quatrième.
– La répartition fait apparaître une dotation complémentaire (72h EP1) qui n’a pas été instruite en commission permanente parce qu’elle n’était pas officiellement connue alors ; or on ne doit voter que sur les pièces présentées en CP.
– Cette dotation complémentaire est l’effet du classement EP1 et permet le recrutement de quatre « professeurs référents » sur des lettres de mission définies localement : non seulement le principe de ces postes à profil nous semble le ferment de la destruction des statuts des enseignants, mais le contenu de ces lettres de mission n’étant pas connu puisqu’elles ne sont pas écrites, il paraît invraisemblable de voter ce qui devient une autorisation en blanc.
– La décision de ventiler les 72 heures correspondant aux quatre postes s’est faite après une concertation de couloir avec les personnels, qui a aboutit à un échec, faute de candidats : elle concerne des matières (maths, techno, lettres) dans lesquelles il n’existe pas de volontaire pour les assumer ; de plus le CA n’a pas la main sur l’utilisation de ces heures et laisse carte blanche au Principal.
– Aucun débat général n’a été tenu dans l’établissement sur le contenu véritable des EP1 pour la simple raison qu’il n’y a pas de texte : la conférence de presse du ministre sert de base, mais nous l’avons dû glaner nous-mêmes ; elle est adaptée par le recteur, qui envoie les inspecteurs d’académie dans les établissements avec des discours sensiblement différents, mais tous marqués du sceau de l’incertitude (on ne sait pas... il se pourrait...) qui aboutissent à des annonces contradictoires : même avec la meilleure volonté du monde pour aboutir à un compromis, ces contradictions interdisent toute décision définitive.
Quand nous avons fait part de ces réserves et difficultés et de la nécessité de surseoir à toute décision, le chef d’établissement a refusé d’accorder un délai pour la réflexion et l’information des personnels en reportant le CA ou en décidant d’un CA extraordinaire sur le statut EP1. Qu’est-ce à dire ? N’y a-t-il pas là l’aveu dune politique de passage en force, de précipitation, et de chantage, qui ne laisse pas même le temps aux personnels de comprendre ce qui advient ?
Dans ces conditions, siéger revenait à laisser faire : or « wait and see » ne sera jamais notre devise, et spécifiquement dans la mise en ?uvre d’une dotation inqualifiable et dans l’application d’une réforme qui sera réellement nocive pour l’établissement.
Du fond de la réforme « ambition réussite »
En effet, la raison de fond de ce boycott est le refus de la réforme EP1. Nous avons besoin de moyens importants pour faire face à un public d’élèves tout à fait spécifique. Ces moyens, on nous les donne au compte-goutte et dans un format ahurissant, qu’on nous demande d’accepter accompagné d’une théorie de mesures dévastatrices, n’en déplaise aux propos lénifiants entendus ici ou là. Or les intentions du recteur et du ministre sont plus que claires :
– déréglementation des programmes et des horaires,
– dérogation et transformation du lycée de secteur en lycée de relégation,
– financement de la réforme par redéploiement,
– interdiction programmée du redoublement,
– obligation de résultat pour les professeurs référents et pour tous les personnels,
– inspection annuelle,
– contractualisation de 10% de la dotation horaire (près de 100 heures),
– profilage des élèves - module pro en 4e,
– mise en place de postes à profil sur lettres de mission,
– bourses au mérite
– substitution de personnels précaires et non formés à des enseignants pour des missions d’enseignement (aide au travail personnel, dédoublements...),
– mesures qui toutes impliquent la liquidation de l’éducation prioritaire et engagent les établissements « ambition réussite » dans l’accompagnement d’une misère sociale sectorisée, encadrée et définitive.
Quant à la contrepartie, elle consiste en la dotation complémentaire d’enseignants sans mission définie au plau national, sans condition d’expérience, sans connaissance du terrain, condamnés à appliquer sans le moindre recours une politique éducative imposée, et destinés à créer un nouveau corps de contremaîtres pédagogiques...
En toute connaissance de cause, qui peut faire le choix d’une telle réforme ?
De l’avenir
Le collège Jean Moulin n’a pas vocation à devenir le lieu des expériences les plus hasardeuses en matière d’éducation.
Parents et professeurs voient dans la réforme si mal nommée « ambition réussite » l’écho d’une politique de renoncement en matière d’éducation (non remplacement des départs à la retraite, réduction des postes au concours, développement de la précarité...) et de liquidation des statuts (bivalence, remplacements internes...). Nous, nous ne renonçons pas, chaque jour, à transmettre des connaissances parfois complexes à des élèves par ailleurs bien souvent déboussolés, et nous ne renoncerons jamais à la lutte pour que tous aient accès à la même culture et bénéficient de conditions d’enseignement correspondant à leurs besoins, et non à leurs moyens ou à leurs talents.
Quant à une réforme de l’éducation prioritaire, nous avons depuis longtemps défini notre position :
– 16 élèves en CP-CE1,
– 16 élèves en 6e,
– 20 dans les autres niveaux,
– des dédoublements à tous les niveaux en lettres et en maths pour mettre en place une pédagogie individualisée en groupes de besoin
– un accompagnement scolaire généralisé à toutes les divisions : deux heures d’études dirigées dans les domaines littéraire et scientifique, obligatoires pour les élèves qui en ont besoin,
– des heures de vie de classe et d’éducation à l’orientation co-assurées par les profs principaux et les COPsy,
– des heures de concertation par équipe et par matière pour que les enseignants puissent s’entraider dans la prise en charge des classes et réfléchir à leur pratique,
– un troisième CPE au-delà de 600 élèves,
– des surveillants en nombre,
– aucune modification des programmes et des horaires nationaux,
– aucune dérogation aux statuts des enseignants.
Nous organisons une réunion d’information au collège le jeudi 2 mars à 18h30, à laquelle les parents et professeurs du primaire et du secondaire sont invités.
Nous appelons à l’occupation vespérale, nocturne et festive de tous les établissements qui se mobilisent contre le dépeçage de l’éducation nationale le lundi 6 mars 2006.
Nous appelons à participer nombreux à la grève et aux manifestations le mardi 7 mars 2006. Par là, construisons le rapport de force qui doit aboutir au RETRAIT DU PROJET « AMBITION REUSSITE » et à la COMPLETE RENEGOCIATION DE LA REFORME DE L’EDUCATION PRIORITAIRE.
Et qu’enfin soit donné priorité à l’éducation de tous !
Aubervilliers, ce mardi 28 février 2006