Les livrets de compétences qui ont été soumis à expérimentation (et leurs grilles de référence) révèlent toute l ?ambiguïté du socle commun, de la définition des apprentissages par compétences, notion complexe qui prend des sens multiples, voire contradictoires.
Socle commun et livret de compétences changent profondément le rapport de l ?élève à l ?école qui risque de ne plus être un lieu de découverte et de construction des savoirs, mais celui de l ?évaluation incessante de micro-compétences, empêchant de faire émerger du sens et de former des esprits critiques. De cette 3e version du livret de compétences disparaît notamment l ?item « faire preuve d ?esprit critique », en même temps qu ?apparaissent de nouveaux items (exemple : « connaître quelques notions économiques et budgétaires de base »).
L ?organisation de l ?enseignement autour de programmes disciplinaires serait, de fait, remise en cause. Quelle que soit la version soumise à expérimentation, les items choisis sont de nature disparate : certains relèvent de taches simples, de connaissances de base, tandis que d ?autres renvoient à des processus d ?élaboration de pensée beaucoup plus complexe et abstraite. Or rien n ?est dit sur le nombre d ?items à valider pour l ?acquisition de tel ou tel pilier !
Il est aussi précisé que les pratiques scolaires artistiques, culturelles et sportives, la formation des délégués, le tutorat entre élèves, les séances préparant les stages en entreprise, les heures de vie de classe, le parcours de découverte des métiers et l ?accompagnement éducatif contribuent pleinement à l ?acquisition du socle, notamment dans le pilier 7 (« autonomie et initiative »). La validation d ?une partie du socle commun s ?appuierait donc sur des compétences en théorie « travaillées » en dehors des enseignements.
Peut-on concevoir un savoir et des attitudes intellectuelles découpés en tranches aussi précises ? Comment juger qu ?une compétence est acquise ? Peut-on le faire à partir d ?une seule situation, comme si la compétence était acquise une fois pour toutes et donc transférable à n ?importe quelle situation rencontrée ? Qui peut juger lorsque la compétence à évaluer se situe au carrefour de plusieurs disciplines ? A quoi sert ce livret ? Ne risque-t-il pas de justifier qu ?une partie des élèves quittent le plus vite possible le système scolaire puisque l ?institution aura prouvé qu ?elle leur a transmis le kit de base pour qu ?ils se débrouillent dans la vie de tous les jours ? Comment s ?articuleront l ?évaluation du socle et les notes du bulletin pour les choix d ?orientation ?
Nous continuons de contester le principe de ce socle parce qu ?il :
?? marginalise un certain nombre de disciplines jugées non fondamentales (non utiles pour le futur travailleur).
?? s ?appuie sur une conception linéaire des apprentissages et cumulative des savoirs.
?? se centre sur des compétences étroites et nie le rôle fondamental de la mise en relation des connaissances, ainsi que la dimension collective de leur construction
?? réduit l ?ambition pour une grande partie de la jeunesse à la maîtrise de connaissances de base et évacue la part culturelle des apprentissages (ainsi que les pratiques artistiques et sportives qui n ?apparaissent qu ?en tant « qu ?attitudes » ou pour « vivre en société »).
Nous refusons donc de renseigner ces grilles d ?évaluation et appelons tous les collègues concernés dans les autres établissements choisis par la DEPP à en faire de même.
Adopté à l ?unanimité des 30 personnels du Collège Diderot à Aubervilliers
présents lors de l ?Heure d ?Information Syndicale le 17 mars 2009.