A l’attention des parents et des élèves
du lycée Champlain
Guy Môquet fait partie des figures historiques marquantes de la Résistance par son engagement, par l ?histoire de son arrestation et par la fin tragique qu ?il a connue, ainsi que ses 26 camarades livrés en tant qu ?otages aux nazis, car membres du parti communiste pour la plupart d ?entre eux, tous fusillés le 22 octobre à Châteaubriant. La lettre émouvante qu ?il laisse à sa famille, juste avant de mourir, alors qu ?il a dix-sept ans, témoigne de ce drame. Que notre pays fasse ?uvre de mémoire, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur les hommes et les femmes qui se sont engagés pour la liberté contre la barbarie nazie est légitime. De même, il est important que les programmes d ?histoire nous permettent d ?étudier cette période, de comprendre le sens de l ?engagement de ceux et celles qui ont choisi la Résistance, comme de comprendre aussi pourquoi la France fut dramatiquement divisée pendant ces années d ?occupation. ? ce titre, nombre de lettres de fusillés sont présentes dans les manuels d ?histoire des élèves et étudiées depuis des années.
Alors pourquoi refusons-nous de lire aux lycéens la lettre de Guy Môquet le 22 octobre ?
Parce que faire de l ?histoire en classe n ?est pas accomplir un devoir de mémoire, c ?est construire une réflexion rationnelle sur le passé. Notre travail d ?enseignant n ?a rien à voir avec une démarche qui vise à susciter l ?émotion sans distance critique, sans replacer un témoignage, aussi poignant soit-il, dans son contexte historique. Or, la lettre de Guy Môquet, que certains semblent découvrir, ne dit rien de son engagement, elle n ?évoque que son amour de la patrie, de ses parents, de sa famille et son sens du devoir. L ?histoire de la Résistance, des hommes et des femmes qui l ?ont faite, ne se confond pas avec une commémoration officielle décidée par le seul chef de l ?exécutif.
Parce que transformer les lycées en lieu où s ?exprime l ? « Union Sacrée » de la nation à travers son Président et sa jeunesse est contestable. Imposée aux chefs d ?établissement cette commémoration vise à organiser une sorte de « communion » nationale entre le chef de l ??tat et les lycéens, qui devront s ?y soumettre. Véritable « fait du prince », elle apparaît avant tout comme un outil de moralisation des jeunes qui serait suscitée par ce moment d ?émotion collective. Outre le fait que le « zapping commémoratif » est certainement contre-productif quant aux effets recherchés, après cette journée-ci, à combien d ?autres commémorations faudra-t-il se plier ?
?videmment, nous ne « boycottons » ni la mémoire de Guy Môquet ni celle de la Résistance
C ?est justement parce que nous distinguons l ?histoire et la mémoire, l ?enseignement et la morale, la raison et l ?émotion, que nous refusons de participer à cette commémoration imposée au mépris de toute considération pédagogique.