Communiqué de presse du Lycée Alfred Nobel de Clichy-sous-bois.
Rédigé à la suite de l’Assemblée générale de ce mardi 5 février, qui a voté à l’unanimité moins quatre abstentions, la grève et le blocage de l’établissement jeudi 7 février à 8h.
Dotation horaires : un plan de naufrage pour la banlieue.
Nous, enseignants du lycée Alfred Nobel, refusons le projet de Dotation Horaire Globale (DHG) que nous impose le rectorat pour la rentrée 2008. En effet, s’il était appliqué, ce projet se traduirait par la perte de 68 heures hebdomadaires soit trois classes de première. En conséquence, plusieurs postes d’enseignants seraient supprimés, notamment en gestion et en histoire-géographie.
Ce projet, qui se pare de la vertu de la bonne gestion, est présenté par le rectorat comme une réponse à un creux démographique, qui se traduit par des baisses d’effectifs. En réalité, il est une conséquence de la volonté délibérée des gouvernements de ces dernières années de mettre en place un véritable marché scolaire, où les usagers comme les fonctionnaires, les établissements comme les filières, sont mis en concurrence les uns avec les autres.
Après avoir fait disparaître les Zones d’Education Prioritaires (dont étaient issus tous nos élèves), au profit d’un système de nivellement par le bas dans lequel les élèves les moins favorisés sont, dès la sixième, condamnés à en apprendre moins que les autres, il s’agit désormais de s’occuper d’eux à l’issue de la troisième : une minorité d’entre eux, les meilleurs, pourront, par l’effet de la suppression de la carte scolaire, s’inscrire dans les lycées les plus réputés. Pour les autres, les élèves accrocheurs qui veulent prétendre à quelque enseignement de qualité, mais dont les notes sont trop faibles pour qu’ils soient acceptés dans des lycées réputés de centre-ville, ou qui restent attachés à leur ville, le lycée de Clichy-sous-bois continuera de proposer quelques formations générales et technologiques, mais dont le nombre diminue : dame ! Trop peu d’élèves les réclament... Enfin, pour les plus fragiles, ce sera le Baccalauréat professionnel en trois ans au lieu de quatre, sans niveau intermédiaire, car les BEP sont supprimés. Il devront donc faire en trois ans ce qu’ils faisaient péniblement en quatre, et il est à prévoir que beaucoup abandonneront avant la troisième année, sans diplôme scolaire. Une telle perspective reléguerait encore davantage les élèves de Clichy-sous-bois dans l’échec scolaire, social et économique.
En arrière-fond, cet acte se déroule dans le cadre d’un théâtre nouveau : la mise en concurrence des acteurs de l’Education. Il s’agit d’évaluer les établissements, leurs projets et leurs équipes (ce que le Livre Vert de la Commission Pochard ne manque pas de revendiquer sur tous les tons). Mais, outre que le principe de la concurrence, en ce qui concerne l’éducation, est une monstruosité en soi, en plus elle s’opère dans un jeu faussé dès le départ. Elle sert juste d’argument hypocrite pour justifier une flexibilisation accrue des personnels : en effet, si le Lycée Alfred Nobel a perdu 68h par semaine pour son fonctionnement normal, il a gagné 10% de HSA en plus, c’est-à-dire d’heures supplémentaires qui pourront être injectées pour favoriser les projets de tel ou tel professeur « méritant », en fonction du bon vouloir du chef d’établissement.
Le Lycée Alfred Nobel est un « Lycée Expérimental Sciences-Po ». C’est-à-dire qu’il fait partie des cinq établissements de Seine-Saint-Denis qui ont été très médiatiquement choisis, après les émeutes de l’automne 2005, pour bénéficier de financements particuliers pour favoriser des projets « innovants », déstinés à ouvrir nos élèves au monde et à soigner l’image du Lycée, de Science-Po, et surtout des entreprises partenaires qui venaient ainsi s’occuper de leurs pauvres. Désormais Clichy-sous-bois, comme beaucoup d’autres villes pauvres, est candidate involontaire à l’expérimentation d’un degré de plus de misère et d’abandon.
Nous refusons que cette situation se poursuive. Nous exigeons au moins le maintien des structures existantes.
Des enseignants en grève du Lycée Alfred Nobel.